Depuis lundi 31 décembre, « Joseph Kabila » a fait couper l’Internet sur toute l’étendue du Congo-Kinshasa. On ne le dire jamais assez que l’homme considère ce pays comme un « bien personnel ». Les habitants de l’ex-Zaïre sont injoignables par SMS ou WhatsApp. Dans une directive adressée aux opérateurs téléphoniques, l’ex-opposant Emery Okundji, promu, en mai 2017, ministre des PT-NTIC, invoque des « raisons de sécurité ». Le pays ne fait, pourtant, face à aucun péril imminent. La vérité serait ailleurs. Il semble que le « raïs » est atterré par la piètre performance de son « dauphin » à l’élection présidentielle. Pour lui, Emmanuel Ramazani Shadary doit, malgré tout, être proclamé « Calife » à la place du calife.
« Notre fratrie n’est pas prête à céder le pouvoir à n’importe qui! » Cette déclaration faite en septembre 2016, soit trois mois avant l’expiration du dernier mandat de « Joseph Kabila », avait créé un certain événement. En cause, le locuteur n’est pas n’importe qui. Il s’agit de Zoé « Kabila » que certains de ses détracteurs appellent: « Monsieur frère… ». Connu des Congolais à partir de 2006, ce dernier semblait jusque-là éviter les sorties médiatiques. Il est clair qu’il agissait ad référendum. Bref, par procuration.
Bien que sibyllin, ce message porté par » Zoé » constituait en soi une bravade. Le messager voulait simplement dire que « Joseph Kabila » éprouve le plus grand mépris vis-à-vis de la population congolaise. Il n’a cure de son impopularité. Il n’a non plus cure du rejet du « système » prédateur et antisocial qu’il incarne. Le Président sortant tient à ne passer le « flambeau » qu’au successeur choisi par lui.
Vingt-quatre heures après les opérations de vote du 30 décembre, le Président hors mandat a fait couper l’Internet. Les habitants du Congo-Kinshasa ne sont plus joignables par SMS. Les réseaux sociaux sont inaccessibles. Quel intérêt voudrait-on protéger? La sécurité nationale? Allons donc! Les intérêts personnels du « raïs »? Sans doute.
A en croire André-Alain Atundu Liongo, porte-parole du secrétariat de la future défunte « majorité présidentielle », le gouvernement voudrait éviter des « intoxications malveillantes ». Dieu seul sait, s’il existerait des « intoxications bienveillantes ».
DROIT À L’INFORMATION
Conseiller diplomatique de « Kabila », Barnabé Kikaya bin Karubi – qui semble ignorer qu’un conseiller, fût-il du Président de République, n’assume aucune responsabilité politique – a pris l’habitude de faire des sorties médiatiques. « Il y a des gens qui intoxiquaient la population avec de faux chiffres concernant les élections. Et cela préparait la population à un soulèvement populaire », a-t-il confié à l’Agence France Presse. Question: qui intoxique qui? Pourquoi ne publie-t-on pas les « vrais chiffres » pour contrecarrer les « faux »? Au nom de quel principe, « Kabila » se croit-il en droit de violer l’article 24-1 de la Constitution qui reconnait à chaque Congolais le « droit à l’information »?
D’après Kikaya, cet oukase émanerait du « Conseil national de sécurité ». Cette officine à barbouzes est connue de ne compter en son sein que des « inconditionnels » du « raïs ». Des hommes et des femmes qui considèrent que leur survie est tributaire de celle de « Kabila ». Il ne s’agit nullement d’un organisme républicain. Bien au contraire.
Sauf des pressions accrues, le « blackout » imposé à la population congolaise par cette oligarchie défaillante va durer jusqu’au 6 janvier, date fixée par la CENI pour la publication des « résultats provisoires » notamment de la présidentielle et des législatives.
L’opacité qui entoure les opérations de dépouillement et de compilation des bulletins de vote n’augure rien de bien sérieux. On peut gager que « Kabila » connait déjà l’ordre d’arrivée des trois prétendants du peloton de tête. Le reste ne serait qu’un habillage. Des sources impartiales alignent Shadary à la troisième place.
En dépit de « l’humeur du moment » qui saute aux yeux, « Kabila » et les siens ne cessent d’ânonner que le « dauphin » Emmanuel Ramazani Shadary devrait l’emporter. Au motif qu’il a été le premier à partir en campagne. Et qu’il a été le seul à sillonner 24 provinces sur les 26.
CANDIDAT DE LA « CONTINUITÉ »
Incapable de citer les réalisations de son régime au cours de ses récentes sorties médiatiques, « Kabila » – qui présente Ramazani Shadary en « continuateur » de son « œuvre » -, est apparu bien en peine de démontrer que son « dauphin » a, au cours de ses tournées, présenter une « offre politique » digne de ce nom. Une offre politique de nature à donner envie aux électeurs des provinces visitées de lui accorder leur suffrage.
Ouvrons la parenthèse ici pour relever que les auditeurs de Radio Okapi n’ont pas manqué de sourire lors de l’émission « Dialogue entre Congolais » du 30 décembre. Thème: « La RDC vote ce dimanche pour la présidentielle et les législatives ». Aimé Kilolo-Musamba, porte-parole de Ramazani Shadary, Vidiye Tshimanga, porte-parole de Felix Tshisekedi Tshilombo et Cherubin Okende Senga, porte-parole de la coalition « Lamuka » étaient les invités.
L’ex-avocat de Jean-Pierre Bemba Gombo a déployé toute sa verve oratoire pour « embellir » la présentation de Shadary: « Emmanuel Ramazani Shadary est le candidat de la continuité de Joseph Kabila Kabange, mais il est le candidat de la rupture en ce qui concerne la méthodologie, la démarche, le procédé, en ce qui concerne la mise œuvre de cette grande nation mais aussi la vision des pères de l’indépendance qui voulaient faire du Congo un pays souverain et indépendant et surtout qu’ils voulaient restaurer le tissu économique et social ». Ouf! Fermons la parenthèse.
D’après Radio Okapi, des sacs contenant des bulletins de vote cochés au nom de Felix Tshisekedi Tshilombo, candidat à la présidentielle de la coalition « Cash », ont été repêchés dans la rivière Kidodobo sur la route de Walungu, au Sud Kivu. Il en serait de même des procès-verbaux des législatives. On espère que le président de la Ceni aura à cœur d’éclairer l’opinion.
Personne n’ignore que pour « Kabila », « c’est Shadary ou rien ». Que faire? Les Congolais doivent choisir: la résignation ou la révolte.
Laisser le conglomérat d’aventuriers qu’est le FCC accomplir son forfait – consistant à imposer Ramazani à la tête de l’Etat -, reviendrait, pour les Congolais, à admettre qu’ils sont devenus les « otages volontaires » de cette fratrie mafieuse.
ASPIRATION AU CHANGEMENT
Des voix commencent à s’élever pour appeler la population à « rester vigilante ». Et ce pour « préserver la vérité des urnes ». C’est le cas notamment de la « Symocel » (Synergie des missions d’observation citoyenne des élections). Au cours d’un point de presse, lundi 31 décembre à Kinshasa, cette organisation non gouvernementale a dit avoir noté, lors du vote, des « irrégularités qui doivent être prises au sérieux ».
Le Comité laïc de coordination (CLC) ne dit pas autre chose. Selon cette structure proche du clergé catholique, « des irrégularités graves, massives et visiblement programmées ont émaillé ces élections ». Le CLC fustige l’exclusion des observateurs et des témoins des partis politiques et de la société civile.
Chouchouté jadis par certains milieux occidentaux, « Joseph Kabila » a été « élu » en 2006 et « réélu » en 2011 dans des conditions plus que discutables. Depuis 2016, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. L’environnement international, lui, « a évolué »…
Lors de la messe célébrée à l’occasion de la fête de la Nativité, Mgr Fridolin Ambongo, nouvel archevêque de Kinshasa, n’a pas manqué de prévenir: « La vraie paix aujourd’hui dans notre pays est que les élections aient lieu à la date fixée du 30 décembre 2018. La vraie paix aujourd’hui, c’est aussi que les résultats qui seront publiés puissent réellement refléter la volonté du peuple exprimée dans les urnes ».
Question finale: « Kabila » et ses partisans oseront-ils contrarier l’aspiration du peuple congolais au Changement?
Baudouin Amba Wetshi, in Congo Indépendant, 07 janvier 2019