« C’est le devoir de mémoire qui nous parle du passé » a dit Marc AUGÉ (ethnologue et anthropologue français né en 1935 à Poitiers)
Le 28 mai dernier, la dernière « visite décoloniale » a eu lieu au Parc de Tervuren dans le cadre des recommandations de la Motion adoptée au Conseil communal, le 19 mai 2021, relative « aux conséquences du passé colonial belge et aux manières de lutter contre ses effets ». Ces visites ont été menées, à votre initiative, par l’asbl Bakushinta en collaboration avec le PAC (Présence et Action culturelle) Germinal Saint-Josse, la Ligue Ouvrière présidée par Luc Frémal et la Commission communale « Passé colonial belge » dirigée par Muhamet Begaj. En effet, ces recommandations se sont traduites par un cycle de visites respectivement au musée Royal de l’Afrique centrale, à la Commune de Saint-Josse et au Parc de Tervuren, le 5 mars, le 26 mars, le 16 avril et le 28 mai dernier avec différentes thématiques abordées: une première partie liée à l’histoire du Congo; une seconde aux différentes sociétés de l’Afrique centrale; une troisième au passé colonial tennoodois et la dernière à l’Exposition coloniale de 1897 au cours de laquelle quelque 267 congolais furent exhibés, en juillet et août, dans 4 « villages authentiques », en réalité des Zoos Humains.
Dès lors, je souhaiterais vous poser les questions suivantes:
- Quel est le suivi politique envisagé pour ces visites « décoloniales »?
- Comptez-vous pérenniser ce genre d’activités afin d’impliquer les tennoodois dans ce travail de mémoire essentiel pour toutes les générations?
Je vous remercie d’avance pour vos réponses.
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Réponse
Monsieur le Président, Merci beaucoup, Monsieur Bassambi, Merci pour votre interpellation et votre constance sur cette question!
Il convient de rappeler que le niveau communal est le lieu par excellence du dialogue citoyen et, de ce fait, le fondement du processus de dialogue sociétal que nous tenons à placer au centre de nos préoccupations.
La connaissance de notre passé est en effet notre meilleur outil pour la lutte contre toutes formes de discrimination, de racisme, de xénophobie, et d’oppression, tant dans leurs expressions actuelles que leurs symboles passés.
Alors Saint-Josse, historiquement ville située au centre de Bruxelles, présente un nombre de références liées à la colonisation au sein de son patrimoine.
En effet, lors des commissions réunies ayant pour objet le passé colonial belge, dirigé par le Conseiller communal, Muhamet Begaj avec l’ensemble des élus, nous avons effectué un nécessaire travail de mémoire et une mise en perspective en auditionnant les associations, les experts sur cette période de notre histoire tout en attendant les conclusions du Fédéral et de la Région qui avait aussi instauré des commissions à leurs niveaux.
Sans attendre cela, nous avons décidé avec Monsieur Frémal qui est le Président de la Présence Action Culturelle avec la Ligue Ouvrière, d’organiser un cycle de formations pour les élus mais aussi pour tous les habitants.
Je tiens à préciser que l’ensemble de ces visites décoloniales a eu pour objectif de permettre aux citoyens de se réapproprier cette histoire commune entre la Belgique et la République démocratique du Congo, de faire aussi la synthèse des travaux en cours au niveau fédéral et des conclusions au niveau régional et d’ articuler, tout çà, au niveau de la localité, à notre niveau.
Ainsi, décoloniser une commune, ce n’est pas uniquement l’espace public, c’est également se poser la question des traces que l’on conserve de cette colonisation dans les esprits. Quelles croyances sont aujourd’hui encore véhiculées par un certain nombre de stéréotypes ou de préjugés. Cela veut dire aussi, former un certain nombre de personnes, peut-être du personnel communal, des associations, de les former à la déconstruction de ces stéréotypes hérités notamment de la propagande mais également de cette période coloniale.
Je pense qu’il y a quelque chose qui a été abordé, que l’on appelle à un rééquilibrage à opérer. Non seulement il faut travailler sur l’existant mais sur l’inexistant également, sur ce qui est invisible, sur ce qui n’existe pas en termes de mémoire.
C’est donc rééquilibrer les mémoires par autre chose dans l’espace public. Cet autre chose peut passer par l’inauguration de nouveaux monuments, l’inauguration de nouvelles plaques de rues ou le changement de noms de rues.
Pour les autorités communales, il est indispensable d’impliquer la population mais aussi les élus et la société civile à ce travail de mémoire essentiel pour toutes les générations.
Alors il faut savoir que, la Place Rogier, l’Hôtel des Colonies, les Rues Linné, Brialmont, Traversière, le Monument aux morts, la Compagnie minière des Grands lacs (MGL), la Place Saint-Josse, le Musée Charlier sont autant de noms ou de monuments qui font écho au passé, à ce passé de la Belgique, et qui nous questionnent aujourd’hui.
Pour amener les citoyens, les artistes et les habitants de la commune à débattre autour de ces questions, il serait intéressant à travers un projet réunissant Bakushinta asbl et la Commune d’organiser des visites guidées décoloniales de la commune qui nous permettront de mieux connaître l’espace public, les lieux par lesquels nous passons tous les jours sans savoir qu’ils sont liés au passé colonial belge et les endroits que nous connaissons moins.
Nous pourrions également réfléchir à y mettre en place une Commission participative mixte dont la mission serait de débattre des signes coloniaux présents dans l’espace public, ici ou ailleurs, et de proposer des mesures en vue d’une meilleure recontextualisation de ceux-ci.
Elle serait accompagnée par des habitants de plus de 16 ans, des élus représentant les différents groupes politiques du Conseil communal, ainsi que des personnes ressources issues des milieux académique, culturel ou de la fonction publique qui veilleront à assurer le caractère scientifique des travaux. Et cette commission pourrait évidemment organiser leurs travaux.
Au terme de sa mission, la commission remettrait un rapport concernant l’ensemble de ses propositions au Collège des bourgmestre et échevins ainsi qu’au Conseil communal, qui se chargeront, à ce moment-là, de son suivi.
Et de manière plus générale au niveau de la commune, ce qui est essentiel pour nous, c’est de faire en sorte que l’histoire de l’Afrique ne se limite pas simplement à la colonisation, ce travail est fait actuellement mais qu’on mette aussi en valeur l’Afrique, le Congo au travers de son histoire.
Je pense ainsi, Monsieur le Président, chers Collègues, Monsieur le Conseiller, avoir répondu à certaines de vos questions