L’horreur que les femmes vivent

MOTION SUR LES FÉMINICIDES: UN AMENDEMENT SUR LES TRAVAILLEUSES DU SEXE A ÉTÉ REFUSÉ PAR LA MAJORITÉ

Une motion sur les violences faites aux femmes et les féminicides a été déposée par la majorité au dernier conseil communal de Saint-Josse. Deux amendements proposés par Zoé Genot (Écolo), concernant notamment les travailleuses du sexe, ont été refusés. L’opposition s’étonne.

Une motion sur les violences faites aux femmes prises par la majorité tennoodoise prévoit notamment de présenter un plan d’application concret de la convention d’Istambul (au conseil de l’Europe) au niveau communal et de mettre à disposition des citoyens un numéro d’urgence en cas de violence et de diffuser ce numéro via brochure et via le site internet. « Zoé Genot avait proposé des amendements pour les publics les plus faibles, étaient visées entre autres les prostituées et les migrantes, qui ont peu l’opportunité d’aller voir la police. Dans le cadre des féminicides, je suis étonné que la majorité refuse ces amendements », s’interloque Ahmed Mouhssin (Écolo), conseiller communal.

Zoé Genot a demandé d’ajouter deux amendements à cette motion: « Garantir un accueil sécurisé aux femmes sans papiers qui sont actuellement dans l’impossibilité de se rendre à la police pour porter plainte et soutenir les associations refuges pour qu’elles puissent accueillir ce public particulièrement vulnérable » et « de lancer une dynamique de soutien aux travailleuses du sexe contre les violences répétées qu’elles subissent et de faire rapport des efforts déployés dans l’année ». Du côté de la commune, on explique que cette motion englobe toutes les  femmes, pas besoin donc de toutes les nommer. « On parle d’homicide en fonction du genre, toutes les femmes comprises. Il n’y a pas un rejet de quoi que ce soit. L’idée est de mettre dans le code pénal les féminicides, en fonction du genre », explique Emir Kir (PS), bourgmestre de Saint-Josse, en ajoutant: « L’opposition a dit tout ça à l’oral à la dernière minute. Les conseillers communaux doivent quand même préparer. La majorité est la seule à avoir déposé une motion, l’opposition n’a pas déposé de motion ni d’amendement par écrit ».

Des agressions

Marie, une travailleuse du sexe au quartier Nord depuis 1992 et membre de l’ASBL Utsopi, un collectif des travailleurs du sexe, s’insurge: « Il y a l’horreur que les femmes vivent derrière cette motion. Je trouve ça scandaleux. Les sans-papiers et les travailleuses du sexe ne sont pas des femmes pour le bourgmestre. En tant que femme, je trouve ça scandaleux. On compte interpeller la section PS parce que trop c’est trop ». Les travailleuses du sexe du quartier Nord subissent en effet de nombreuses violences. Le 7 novembre dernier, une prostituée de 60 ans a été agressée par un homme armé d’un couteau dans sa carrée. Une autre, âgée de 64 ans, avait déjà été agressée le 30 octobre par deux hommes venus lui voler sa recette. Utsopi réclame plus de sécurité dans le quartier. Il dénonce un manque de  considération de la part de la police. « C’est inacceptable de laisser dire que la police ne fait rien. Au quotidien, la police assure la sécurité », tempête Emir Kir. « Tous les trois mois à Schaerbeek, il y a une réunion prostitution où les politiques et la police sont invités. Emir Kir refuse de s’asseoir à table avec nous », expose Marie. « Pour nous, cela relève de la traite de l’être humain. Nous ne participons pas à ça. Ils se voient peut-être mais c’est à Schaerbeek, pas à Saint-Josse. Nous sur la question de la prostitution, nous n’avons pas changé de position. Nous la voulons réglementée, et pas éparpillée »,  répond le bourgmestre.

ELLE INVITE À RECONNAÎTRE LE FÉMINICIDE DANS LE CODE PÉNAL

Le 13 novembre, le conseil communal de Saint-Josse a adopté à l’unanimité une motion intitulée « Saint-Josse s’engage contre les violences faites aux femmes et pour la reconnaissance du féminicide ». Le conseiller communal tennoodois Yves Bassambi (PS) est le porteur de cette motion. Il se félicite de la décision de la commune. Le conseiller communal regrette que malgré ces tristes constats, le féminicide, défini comme le « meurtre d’une ou plusieurs femmes ou filles en raison de leur condition féminine, c’est-à-dire en raison de leur identité de genre », n’est toujours pas reconnu dans le code pénal belge malgré des demandes répétées des associations or celui-ci l’est depuis 2013 en Italie et en Espagne ainsi que dans plusieurs pays d’Amérique latine.

La motion qu’il a déposée prévoit alors notamment d’inviter le parlement fédéral à adopter rapidement à un arsenal juridique ambitieux de lutte contre les violences faites aux femmes et à reconnaître le féminicide dans le code pénal. Elle prévoit également de demander au gouvernement fédéral d’élaborer des mécanismes de protection, de soutien et de réparation pour les victimes ainsi que des mesures de prévention.

 

CELINE ARNOULD, La Capitale du 20/11/2019