Interpellation de Monsieur Yves Bassambi concernant « le décès d’un jeune homme après son interpellation par la police » au Conseil communal du 13 janvier 2021

Le Soir de ce 11 janvier nous annonçait le décès d’un jeune homme de 23 ans, Ibrahima Barry, le samedi 9 janvier après avoir été interpellé peu avant 19 heures.

Ses proches s’interrogent sur les circonstances de son interpellation et la cause de sa mort au Commissariat de Saint-Josse. Il semble qu’une autopsie et une analyse toxicologique ont été demandées pour établir la cause du décès.

Dès lors, je voudrais vous poser les questions suivantes:

  • Disposez-vous à l’heure actuelle de plus d’informations relatives aux circonstances exactes ayant entouré le décès de ce jeune homme? Si oui, pourriez-vous nous les partager? Sinon, dans quel délai la famille bénéficiera-t-elle de plus d’informations?
  • Que prévoit-on au niveau de l’accompagnement psychologique de la famille du défunt dans de telles circonstances?
  • Compte-tenu des drames vécus dans le passé et sans vouloir anticiper les résultats de l’enquête sur ce cas particulier, qu’en est-il de la volonté de l’utilisation de bodycams lors d’interventions policières?

 

Je vous remercie pour les réponses que vous ne manquerez pas de me donner.

 


REPONSES

Monsieur le Conseiller,

Ca fait quelques jours, déjà, évidemment, que ce sujet occupe notre actualité et la journée ,aujourd’hui, a été particulièrement éprouvante.

Je voudrais à nouveau, évidemment, réitérer mes plus sincères condoléances à la famille pour rappeler que la douleur est vraiment énorme. C’est la perte quand même d’un enfant et je l’ai dit tout de suite, je pense que l’émotion est vraiment grande et nous avons tous la même volonté que toute la lumière soit faite sur cette situation.

L’expression de la famille et des proches d’Ibrahima doit pouvoir être entendue. C’est ce que j’ai dit, hier, et c’est pour cela que j’avais tout naturellement permis que le rassemblement puisse être tenu, aujourd’hui, évidemment dans les limites du protocole sanitaire Covid-19 et j’avais proposé que çà puisse se faire du côté de la place du Nord pour éviter les problèmes de circulation du côté de la Rue Brabant puisque nous avons les travaux côté Place Saint-Lazare.

Alors, dès le soir du décès, j’ai été informé par la zone de police, çà remonte à samedi dernier, et donc j’ai immédiatement demandé que toute la lumière, évidemment, soit faite sur les circonstances de ce décès parce que ce n’est pas quelque chose d’habituel, évidemment. Alors, le parquet a été contacté, immédiatement. Soyons factuels et le parquet a demandé de centraliser la communication. C’est une demande qui a été faite du parquet. C’est pour çà qu’à titre de Bourgmestre avec la Police administrative que j’ai, je n’ai pas voulu influencer le cours des événements, le cours de l’enquête qui suivait.

Et puis, le Parquet nous a communiqué les éléments qu’il avait collationnés à partir de là. Donc, je vais les citer et c’est important d’être vraiment particulièrement précis.

Voilà les éléments qui m’ont été communiqués par le Parquet:

Samedi 9 janvier 2021, un peu avant 19h, des policiers de la zone de police Bruxelles Nord procèdent au contrôle d’un groupe de personne rassemblé Place du Nord nonobstant les mesures actuellement en vigueur dans le cadre de la crise sanitaire.

A l’issue de ce contrôle, un jeune homme présent sur place prend la fuite et sera interpellé par la police suite à une poursuite pédestre.

Privé de sa liberté, ce jeune homme est emmené au commissariat pour y être entendu. Lors de son arrivée au commissariat, il a perdu connaissance et les policiers présents ont fait appel aux services de secours. Une ambulance et un SMUR sont arrivés sur place et le jeune homme a été emmené à l’hôpital Saint-Jean. Il est décédé à l’heure de 20h22 à l’hôpital.

Avisé de ces faits, le parquet de Bruxelles a immédiatement requis l’accomplissement de différents devoirs d’enquête suivant:

– l’instauration d’un périmètre d’exclusion judiciaire;

– la reprise immédiate de l’enquête par le Comité P et descente sur place du Comité P;

– la désignation d’un médecin légiste pour procéder à l’autopsie du jeune homme ainsi qu’à une analyse toxicologie;

– la saisie et l’analyse des images de vidéo surveillance tant au commissariat que sur les lieux d’interpellation;

Je voudrais, ici, ajouter un élément d’explications. Heureusement que la Commune avait équipé nos quartiers de caméras. Il y avait des caméras partout. Donc toute l’intervention a été filmée et la caméra au sein du Commissariat de police a tout filmé également. Toutes ces images sont en possession du Parquet qui communiquera quand il le souhaitera.

L’enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes ayant entouré le décès de ce jeune homme.

Alors, nous obtiendrons davantage d’éléments, une fois que ces devoirs d’enquête auront été réalisés.

Alors, en ce qui concerne la zone de police, je peux simplement vous indiquer qu’elle collabore, évidemment, pleinement à l’enquête.

Le chef de corps a également sollicité une demande d’accès au dossier judiciaire pour lui permettre d’exercer le cas échéant ses responsabilités. Si par exemple, dans le cas où, une erreur, une faute aurait été dans le chef de quelqu’un, il faut le savoir pour pouvoir prendre des mesures d’ordre. C’est pour cette raison là que le Chef de Corps a demandé de pouvoir accéder au dossier judiciaire.

Alors, ce début d’après midi, là je reviens, à aujourd’hui, nous avons appris qu’un Juge d’instruction a été désigné afin de poursuivre l’enquête pour homicide involontaire.

Le Juge d’instruction, à la différence du Procureur est indépendant et impartial. Son intervention garantit à la fois une enquête approfondie et le respect des droits des justiciables.

Alors, le travail de Juge d’instruction permettra de rechercher sereinement les tenants et les aboutissants de ce décès.

Ici, je dirais, ne tirons pas de conclusions hâtives et attendons les résultats de cette enquête. Par exemple, j’ai aussi, tout comme vous, Madame Genot et Monsieur Bassambi, et vous tous, lu beaucoup de choses dans la presse.

Je m’attendais lors la Conférence de presse de la famille d’apprendre de nouvelles choses quitte à être étayées par des faits, je ne les ai pas vus tout spécialement mais j’imagine peut-être qu’ils vont donner ces informations, ces éléments au Parquet et au Juge d’instruction

Je voudrais dire aussi un mot sur la Journée qui a été la nôtre, aujourd’hui. La mienne, aussi en particulier, celle des habitants du Quartier et surtout celle des manifestants et de la Police.

Donc, aujourd’hui, un hommage a été rendu à Ibrahima Barry à la demande de ses proches.

Je tiens à souligner l’attitude digne et pacifique de tous ceux qui se sont rassemblés dans ce cadre en sa mémoire, l’après-midi.

Qu’on ne jette pas l’opprobre sur cette famille et ses proches qui sont venus manifester.

Par contre, je condamne avec des mots très durs le comportement irresponsable de ceux qui en profité de la fin de ce moment de recueillement pour créer des incidents avec les forces de l’ordre et se livrer à des dégradations que ce soit sur des mobiliers urbains ou en essayant de le faire sur des bâtiments.

Après évidemment, plusieurs heures, la Police a rétabli l’ordre et la situation est sous contrôle. Au moment où je vous parle, à partir des entretiens téléphoniques où vous m’avez vu en contact probablement tout à l’heure, 80 arrestations administratives ont été réalisés ce soir.

Je voudrais remercier nos policiers pour leur intervention rapide afin d’assurer la sécurité pour tous les habitants et les commerçants. Ils ont vécu une soirée qui était particulièrement difficile avec la peur au ventre, la peur qu’un bâtiment soit incendié parce qu’il y a eu des tentatives de mise à feu de déchets, etc

Je voudrais aussi apporter un éclairage. Il y a eu, toute de suite, une polémique qui a été faite par certain.

Vous savez, tout le monde a le droit évidemment de donner un avis mais quand une enquête est en cours et qu’on nous demande d’attendre les résultats de l’enquête, je trouve qu’il faut pouvoir attendre les résultats de l’enquête avant de donner un point de vue sur ce qui s’est passé surtout que vous n’avez pas les éléments du dossier.

Mais sur l’opportunité de donner l’autorisation ou non de manifester. Aujourd’hui, çà devient un peu, le débat et on dit que la Commune, le Bourgmestre n’aurait jamais dû donner l’autorisation puisqu’ils étaient 400.

D’abord, je n’ai jamais donné une autorisation de manifester pour 400 personnes. J’ai donné une autorisation suivant le protocole sanitaire mais il faut quand même se mettre en condition de la réalité.

Nous avons voulu donner la possibilité de manifester pour qu’une expression de la famille puisse être entendue.
Frédéric dauphin, notre chef de corps, et l’ensemble de l’état-major m’ont rendu un avis. Ils m’ont dit: « Oui, Monsieur le Bourgmestre, il faut permettre qu’une manifestation statique puisse se faire parce que sinon nous allons avoir une manifestation spontanée incontrôlable cette fois là »

Alors cette manifestation nous a quand même permis d’avoir un service d’ordre qui a été initié par la famille, les amis et les proches et je remercie Zoé Genot qui le disait tout à l’heure, tout comme d’autres, la famille a été exemplaire depuis le début du rassemblement jusqu’au bout en appelant régulièrement au calme et à la dissolution de la manifestation mais malheureusement, il y a eu certaines personnes qui sont venues ajouter à la fin et qui ont voulu , je dirais créer des incidents avec les forces de l’ordre et créer du désordre dans le quartier.

Je pense que si c’est à refaire, je le refais de la même manière. Vous savez perdre son enfant, tout le monde sa manière de réagir. Cette famille a voulu face à l’absence d’informations, d’explications, ils ont voulu avoir un moment de rassemblement citoyen et d’exprimer les choses.

Je trouve que c’est très démocratique et je n’ai jamais entendu dans le chef de la famille ni de leurs proches, une volonté de venir mettre à feu des bâtiments, d’en découdre avec la Police ou avec qui que ce soit d’autres mais en l’absence d’une autorisation de manifestation, nous aurions exacerbé la situation depuis lundi, mardi.

Je voudrais aussi dire que je regrette que dans des situations comme celles-là nous soyons très peu à être empathiques parce que hier, je me suis exprimé parce que je trouvais qu’il n’y avait pas assez d’empathies vis-à-vis de la famille.

Vous savez quand il y a un décès dans une famille, la première chose qu’ on dit, quand on ouvre son bec, c’est de présenter ces sincères condoléances à la famille, d’avoir un peu de partage avec la famille, d’avoir de l’empathie.

Et ici dans la lecture qu’on peut faire parfois de ces dossiers, on n’oublie que quelqu’un est mort dans des conditions qui doivent être clarifiées par les autorités judiciaires.

En attendant, en tant qu’être humain, on peut aussi être solidaire vis-à-vis d’un drame qui survient dans une famille.

Voilà les éléments que je pouvais vous donner ici.

Je voudrais aussi dire qu’en marge de cette réunion avec le Président du Conseil et en accord avec les intervenants, j’ai accepté évidemment que ces questions d’actualité arrivent au Conseil communal. ce n’est pas l’habitude. D’habitude, c’est au conseil de Police mais je pense que cette question est une question qui doit aussi être débattue au Conseil Communal et que dans des situations d’exception, on doit aussi pouvoir échanger nos points de vue et aussi répondre à vos questions pour comprendre un peu les points de vue de chacun.

Monsieur le Président, chers collègues, voilà ce que j’avais à dire à ce stade.