Après quatorze jours de détention dans un centre fermé à Steenokkerzeel, l’étudiant congolais Junior Masudi Wasso – inscrit à l’UCLouvain en sciences économiques – a été libéré, lundi 4 octobre. Il est autorisé à entrer sur le territoire belge. On a rarement vu une telle levée de boucliers tant à Kinshasa – au niveau officiel – qu’en Belgique. Une seule exigence: la libération de cet étudiant congolais. Conseil de « Junior », l’avocate belge Marie Doutrepont s’est réjoui qu’on fasse du bruit sur le cas de son client. Selon cette juriste, ce genre de cas « arrive hyper-fréquemment ». Comparaison n’est pas raison, le cas de Masudi Wasso a rappelé le calvaire vécu par le médecin belgo-congolais Parfait Salebongo dont la maison, achetée à 350.000€ en 2005, a été mise en vente publique, au mois de novembre 2017, en apurement d’une « dette » de… 8.000 euros (huit mille euros). Vous avez bien lu!
« Cet accueil est un acte raciste ». « C’est la première fois de ma vie que j’aille en prison. Je n’ai jamais été enfermé dans un cachot ». Qui parle? Il s’agit de l’étudiant congolais Junior Masudi Wasso. Il vient de passer quatorze jours au Centre fermé de Steenokkerzeel (Brabant flamand). Le jeune homme n’avait commis aucun crime ni délit. Il a pris un vol à destination de Bruxelles en possession d’un passeport congolais en cours de validité et d’un visa délivré par l’ambassade de Belgique à Kinshasa. « Junior » s’était inscrit à l’UCLouvain pour entreprendre des études en sciences économiques. Arrivé à l’aéroport de Zaventem, des policiers l’ont jugé « inapte » pour les études supérieures. Au motif qu’il n’a pas été « capable », selon eux, à réciter le « Tableau de Mendeleïev ».
L’avocate belge Marie Doutrepont, conseil de cet étudiant congolais, n’a pas trouvé des mots assez durs pour fustiger le caractère arbitraire de la décision desdits policiers: « On a un ou deux policiers dans un coin à l’aéroport [Bruxelles national, Ndlr]. Ces policiers décident, sur la base des questions qu’ils ont inventées dans leurs têtes au moment où ils les posent. Personne ne connait leurs qualifications. Ils vont s’arroger le droit et le pouvoir de remettre en cause non seulement tout le projet d’études de Junior mais aussi toutes les décisions qui ont été prises par rapport au fait qu’une équivalence de diplôme, un visa d’études et une inscription à l’université lui ont été accordés par une série d’instances tout à fait compétentes qui statuent sur base des pièces aux termes d’une procédure longue et compliquée – après avoir fourni des tas de documents probants – tout ça peut être réduit à néant par la décision d’un ou deux policiers ». L’avocate de conclure: « Ce qui est intéressant dans le cas de Junior ce qu’on en parle. En fait, ce sont des choses qui arrivent hyper-fréquemment ».
Dans la matinée de lundi 4 octobre, l’Office des étrangers – l’équivalent de la DGM (Direction générale des migrations) au Congo-Kinshasa -, semblait « droit dans ses bottes ». Des sources bien informées confiaient que la décision prise à l’encontre de Junior Masudi Wasso était « parfaitement légale ». Et d’expliquer: « Si Masudi Wasso avait été interrogé à Kinshasa. Il n’aurait pas eu le visa. Et ce, bien qu’il remplisse toutes les conditions. On le soupçonne de vouloir s’installer en Belgique ». Les mêmes sources de sortir ce que certains humoristes qualifient « d’histoire belge ». On apprendra que le Congolais s’est révélé « incapable » de reciter le « tableau de Mendeleïev ». C’est aux journaux télévisés de RTL-Tvi et de la RTBF à 13h00 que l’on apprendra la décision de l’Office des étrangers autorisant (finalement) Masudi Wasso à fouler le sol belge. Motif invoqué: le dossier a été « complété ».
« RÉVEIL TARDIF »
De mémoire des Zaïro-Congolais, on a rarement vu une décision de l’Office des étrangers à l’encontre d’un citoyen de l’ex-Congo belge provoquer un tel tintamarre tant au niveau des officiels congolais que de la société civile. D’aucuns parlent de « réveil tardif ». Plus surprenant, côté belge, les recteurs et rectrices des universités francophones ont joint leurs voix à celles des « indignés ».
Lors de la réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée, vendredi 1er octobre, à Kinshasa, Felix Tshisekedi Tshilombo – dont l’attachement au royaume Belgique n’est plus à démontrer – est monté au créneau en « condamnant » le traitement infligé à ce jeune congolais. Il a instruit le ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula Apala, de signifier à l’ambassadeur belge à Kinshasa « la totale désapprobation de cet acte » en exigeant, au passage, la libération de ce concitoyen. Dans le compte-rendu lu par le ministre de la Communication et des médias, Patrick Muyaya, on apprendra, par ailleurs, que le chef de l’Etat congolais a insisté sur la nécessité de rappeler aux autorités belges que les Congolais séjournant en Belgique étaient en droit de recevoir un accueil digne de celui qu’ils réservent aux Belges foulant le sol congolais. Réciprocité oblige!
A Bruxelles, plusieurs manifestations de protestation ont été organisées par des associations. Dans un communiqué, sans date, diffusé dimanche 3 octobre, l’avocat belgo-congolais Dieudonné Tshibuabua Mbuyi, parlant au nom de la « Fédération de la Diaspora Congolaise », s’est dit « indigné » par la décision prise par l’Office des étrangers dans le cas Junior Masudi Wasso. Le juriste de rappeler le « parcours de combattant que traversent les Congolais lorsqu’ils sollicitent le visa » à l’ambassade de Belgique. Il peine à comprendre que l’Office des étrangers « se rétracte » après que l’impétrant ait accompli cette formalité.
Comparaison n’est pas raison. Reste que le cas Junior Masudi Wasso a ravivé le souvenir du calvaire vécu par un autre Congolais. Il s’agit du médecin interniste, Parfait Salebongo Ebwadu, dont la maison – achetée à 329.000€ – a été mise en vente publique en novembre 2018 par le notaire bruxellois Guy Debaere en apurement « d’indemnités de justice » de… 8.000€. Au moment de cette vente, la valeur marchande de l’immeuble était de 650.000€.
SALEBONGO SPOLIÉ PAR UNE « ASSOCIATION DE MALFAITEURS »
Le 28 juillet 2005, Dr Salebongo, médecin aux hôpitaux Iris Sud, obtient un crédit hypothécaire de 329.000€ auprès de l’Argenta Banque d’épargne S.A, rebaptisée plus tard « La Starter Belgium S.A ». Chaque mois, il s’acquittait régulièrement du montant mensuel de 1.827,02€.
Début décembre 2017, surprise. La vénérable Banque nationale de Belgique (BNB), agissant sous les signatures de ses agents Sonia Leroy et Peter Neefs, informe le Belgo-Congolais que le prêteur de son crédit hypothécaire l’a fait ficher à la Centrale des crédits aux particuliers pour « insolvabilité ». « Faux », réagit-il.
En février 2018, le Congolais saisit le service de médiation des services financiers, le fameux « Ombudsfin ». « Pour votre gouverne, écrit-il, je n’ai ni dettes, ni retard de paiement de mon crédit hypothécaire chez Starter Belgium S.A. ». Il joint à l’appui toutes les preuves de versement. De son côté, cette dernière ne cesse de rechigner à fournir à son client les copies des documents qu’elle avait transmis à la BNB.
En date du 19 février 2018, l’Ombudsfin répond au médecin en parlant d’ « erreur ». Selon le médiateur, l’Argenta-Starter « a erronément communiqué un défaut de paiement relatif à votre crédit à la Centrale des Crédits aux Particuliers ». « Dès qu’Argenta s’est rendue compte de l’erreur, elle a fait le nécessaire pour procéder à la suppression de cette mention et correction des données en date du 12 décembre 2017 », ajoute-t-il. L’Ombudsfin d’assurer Parfait Salebongo que « la Centrale des Crédits aux Particuliers a confirmé électroniquement que les données erronées étaient supprimées ». Et de conclure: « Argenta vous prie de bien vouloir accepter ses excuses pour ce désagrément ». Cynisme?
Au moment où ces lignes sont écrites, la maison de la famille Salebongo située à Clos Ingrid Bergman 27, commune de Jette, a été vendue en septembre 2017 par une puissante « association de malfaiteurs » dans laquelle on trouve des hauts magistrats et des auxiliaires de justice que sont les huissiers de justice, les greffiers et les notaires. Sans omettre certains banquiers. Et pourquoi par l’Ombusfin?
Face au « déni de justice » rencontré au niveau des juridictions belges, Parfait Salebongo s’est adressé aux autorités congolaises. Une correspondance fut adressée au Premier ministre d’alors, Bruno Tshibala, ainsi qu’au ministre délégué en charge des Congolais de l’étranger. Le cas Salebongo n’a pas bénéficié de la « clameur populaire » dont a bénéficié la situation de Masudi Wasso. L’avocate Marie Doutrepont a trouvé des mots justes en déclarant lundi 4 octobre que ce qui est arrivé au jeune étudiant congolais se produit « hyper-fréquemment ».
Osons espérer que le gouvernement congolais aura désormais à cœur de défendre, de manière ferme et résolue, les intérêts légitimes des Congolais vivant à l’étranger. Aujourd’hui, on parle de « Junior ». Hier, « Parfait » et sa famille ont attendu en vain la protection consulaire des autorités diplomatiques de leur pays d’origine. Il n’est pas trop tard pour relancer ce contentieux…
Baudouin Amba Wetshi, Congo Indépendant, le 5 octobre 2021